Accueil A la une Vêtements de l’Aïd : Le rouleau compresseur

Vêtements de l’Aïd : Le rouleau compresseur

Même au-delà des fêtes et des circonstances, l’envolée des prix semble braver toutes les envies. Face à cette situation, le consommateur tunisien ne parvient plus à faire ses courses. Et s’il réussit à le faire, il finira par tomber dans la trappe des fraudeurs et spéculateurs.

Une des organisations de défense des consommateurs a tiré la sonnette d’alarme : les prix des vêtements des enfants pour l’Aïd ont atteint des proportions incroyables. C’est ainsi, pour habiller un enfant, la somme à débourser frôle les 300 dinars. Les chaussures, on peut les avoir pour pas moins de 120 dinars ! Quant à un pantalon, cela tourne autour de 80-90 dinars ! Faites le compte en sachant qu’une famille tunisienne compte entre deux et trois enfants en moyenne. Si ce n’est plus. Comment raisonnent ces industriels, ces tailleurs, ces fournisseurs et comment calculent-ils leurs marges ?

Bien entendu, en posant la question à l’un d’entre eux, il vous sortira des chiffres dont vous ne pourrez point vous en tirer. Mais il y a quand même des réalités de… terrain qui ne trompent pas. Le pays est à bout de souffle et on essaie par tous les moyens de sortir la tête de l’eau. Les équipes de contrôle débusquent tous les jours ceux qui ont choisi de spéculer sur les produits alimentaires. Mais comment pourrait-on faire pour faire revenir à plus de raison ceux qui ont jeté leurs bases aux carrefours de l’Aïd et des fêtes qui se préparent pour se transformer en coupeurs de têtes ?

Les avances sur salaires

Les habits  et les chaussures, ce ne sont pas des bananes  ou des pommes de terre que l’on peut importer ou des pommes hors saison que l’on décide de tarifer. Ce sont des vêtements que l’on confectionne en général dans nos usines et qui devraient être exposés à des prix raisonnables.

Encore une fois, c’est aux consommateurs de faire pression pour se faire respecter par ceux qui, sans vergogne, veulent les plumer et les plonger dans des dettes desquelles ils n’arrivent pas à s’en sortir.

Ramadan est sur le point de s’achever, mais le fait d’avoir eu les yeux plus gros que le ventre a été chèrement payé.  D’après des responsables des ressources humaines, les prêts contractés en tant qu’avances sur salaires ont déjà mis à mal les mensualités qui seront pour un bon bout de temps érodés par les remboursements. Les banques ne sont plus disposées à aller bien loin dans les avances qu’elles consentent moyennant des taxes effarantes.

Traditions et contraintes

Que reste-t-il ? Tout simplement la nécessité de revenir à plus de raison, car l’Aïd terminé, dans deux mois ce sera la fête du sacrifice et avec les prix des moutons que l’on annonce assez pimentés, avec deux mois après, l’« assida » du Mouled, le consommateur n’en a pas fini avec ces cauchemars qui se succèdent. A chaque époque ses traditions et ses contraintes. Pour tous les pays du monde, ce sont les mêmes obligations qui s’imposent. L’ère de l’aisance et de l’insouciance est bien révolue.

La sécheresse est en voie de tout changer dans les habitudes alimentaires et dans les cycles des saisons. Les guerres et les conflits ont imposé une nouvelle façon de vivre, de faire ses courses, de calculer ce que l’on peut consentir pour se vêtir, aller en vacances, sortir en famille et surtout ce que l’on doit mettre de côté pour les jours difficiles.

L’actualité nous impose chaque jour des diktats incontournables. C’est ce qui est à la base de la baisse du pouvoir d’achat. Le seul moyen pour s’en sortir est bien de chercher d’obtenir des facilités de paiement. Les prêts que l’on renouvelle deviennent les seuls moyens de boucler les fins de mois, sans tendre la main aux parents qui, eux aussi, ont de la peine pour s’en sortir.

Insoutenable !

L’inflation est aussi insoutenable pour un consommateur encore actif que pour un retraité qui, chaque mois, a peur de voir sa pension retenue ou rapetisser comme peau de chagrin. L’inflation approfondit les problèmes sociaux et, d’une façon générale, ce sont les personnes âgées qui s’inquiètent le plus quant à leur avenir. Du moins pour ce qui leur reste à vivre. 

On est bien, loin des temps où on contracte des avances ou des prêts pour acheter un ordinateur ou pour acquérir un nouveau réfrigérateur repéré dans une publicité. Il n’y a  qu’à voir les offres des brocanteurs qui croulent sous les services de tables, les machines à laver, les appareils de cuisine, etc : « Les gens n’ont plus d’argent et même s’ils en ont, ils ne veulent plus courir de risque. Certains liquident une partie de leurs trousseaux. Le monde est de retour à la vie à crédit  », nous a confié un brocanteur de l’Ariana. 

Revenir à la raison

Ceux qui affichent ces prix, dans la droite ligne du rouleau compresseur qui, depuis un bon bout de temps, écrase les consommateurs, en seront pour leurs frais. Le consommateur finira par comprendre que les choses ont changé.  Et que dans le cas où le seul paramètre pour fixer les prix sera déterminé par la prise en otage du consommateur, les secteurs du vêtement et de la chaussure continueront à être des secteurs sinistrés. Il est de ce fait nécessaire de revenir à la raison, car le consommateur se résignera  par aller voir ailleurs.

Comme ce grand-père accompagné de ses deux petits-fils qui écumait de rage et qui  a lâché au nez de la vendeuse d’une grande surface : « Je dirai à leur maman d’aller voir du côté de la fripe. C’est moins cher et de meilleure qualité ». C’est dit.

Au consommateur de se défendre

Le consommateur renoncera  un jour ou l’autre à  l’achat d’un vêtement neuf. Il apprendra par la force des choses à  s’en détourner si cela dépasse ses possibilités.

Au secteur de l’habillement et de la chaussure de faire ou de refaire ses calculs, de revoir ses marges et de s’aligner sur les réalités que vit le pays. Sans que cela soit une exception, car le monde entier ressent les effets des menaces qui planent et les pays réputés pour leurs modes, styles, créations et exclusivités ne sont pas mieux lotis.

La crise est générale et le seul moyen de s’en sortir est bien de ne pas tirer la couverture seulement vers soi, mais bien de contribuer d’une manière ou d’ une autre par un comportement plus réaliste pour laisser passer l’orage. La réaction de cette organisation de défense des consommateurs a été bonne. Il est opportun d’agir pour déjouer ces « prises d’otages » successives auxquelles sont soumis  les consommateurs à la faveur des fêtes et autres occasions similaires.

Il n’en demeure pas moins que c’est au consommateur de se défendre en refusant ces diktats et en réagissant de la manière la plus appropriée : boycotter et laisser à ces profiteurs leurs marchandises.

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